Pour faire le portrait d'un oiseau
Peindre d'abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
pour l'oiseau
pour l'oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l'arbre
sans rien dire
sans bouger...
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s'il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau
n'ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
avec la réussite du tableau
Quand l'oiseau arrive
s'il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l'oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau
Faire ensuite le portrait de l'arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l'oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
Si l'oiseau ne chante pas
c'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il chante c'est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l'oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.
Jacques PRÉVERT, Paroles
3 commentaires:
Quelques mots empruntés à Andrée Chedid, qui dit que 'Pour être, la poésie n'attend que notre regard', une petite phrase croisée au détour d'une page qui signifie beaucoup pour moi qui, comme l'oiseau de Prévert, ai mis de longues années avant de me décider. Je nous souhaite simplement d'ouvrir les yeux encore et toujours pour suivre le fil de la merveille. Belle journée de mon grand nord gris bleu aujourd'hui.
Pour moi, ce sera ces vers, qui m'émeuvent toujours autant quant ils sont dits par Bashung, et qui trottent tout le temps dans ma tête depuis que je les connais :
"Chanter ne peut guère valoir
Si du fond du coeur ne monte le chant
Et le chant ne peut monter du coeur
Si en lui il n'y a amour du coeur
C'est pourquoi je chante parfaitement
Car en la joie d'amour j'ai engagé
La bouche, les yeux, le coeur, le sens
(...)Le poème est authentique et parfait,
il est bon pour qui l'entend,
Bernard de Ventadour le dit, le fait,
et de la joie en ressent"
Bernard de Ventadour (autour de l'an 1000)
Oui, oui, gardons les yeux bien ouverts, le merveilleux est partout.
Andrée Chedid a aussi écrit pour un mystérieux Mister
"Je dis “aime”, comme un emblème, la haine, je la jette."
ça vous dit quelque chose ?
Les vers que tu cites, Corinne, de ce Monsieur de Ventadour, poète de l’an 1000, sont très beaux, le texte mériterait de figurer en entier sur ce blog et surtout avec la voix sensible et émouvante de Bashung… Je vais voir ce que je peux faire !
Et puis, on peut parler poésie dans l'oeuvre de Bashung, dans ses textes et dans son univers, on y reviendra sûrement.
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